Vin ou pas vin ? La controverse autour du Levin fermenté

Le Levin, un jus de raisin fermentĂ© sans alcool imaginĂ© par lâĆnologue Fabien Gross, suscite actuellement un vif dĂ©bat au sein du monde viticole.
PrĂ©sentĂ© comme une alternative innovante aux vins dĂ©salcoolisĂ©s, il se distingue par un procĂ©dĂ© de fermentation inĂ©dit, respectueux de lâenvironnement et sans production dâalcool.
Mais derriĂšre cette dĂ©marche Ă©cologique, la controverse enfle : certains professionnels dĂ©noncent une tromperie marketing et sâinterrogent sur la lĂ©gitimitĂ© dâun tel produit Ă se rapprocher de lâappellation âvinâ. Cette polĂ©mique ne laisse personne indiffĂ©rent, entre les dĂ©fenseurs de lâinnovation et les gardiens des traditions, et pose une question essentielle : peut-on rĂ©inventer le vin tout en respectant ce qu'il est ?

Quâest-ce que Levin ?
Le Levin se présente comme une boisson fermentée sans alcool, élaborée exclusivement à partir de raisins bio.
Ă la diffĂ©rence des vins dĂ©salcoolisĂ©s, ce produit ne passe par aucun procĂ©dĂ© de dĂ©salcoolisation. Fabien Gross, Ă lâorigine de cette innovation, a mis au point un levain unique composĂ© de levures non Saccharomyces et de bactĂ©ries lactiques, permettant de transformer le sucre des raisins en acide lactique et en COâ, sans produire une seule goutte dâalcool.
Le rĂ©sultat ? Une boisson Ă faible teneur en sucre (seulement 4,8 grammes pour 100 ml) avec des arĂŽmes subtils et complexes rappelant certains vins dâĂ©levage : des notes florales, beurrĂ©es et citronnĂ©es.
Fabien Gross revendique une production totalement naturelle, sans aucun intrant, sulfite ou arĂŽme ajoutĂ©, et conditionnĂ©e dans des bouteilles rĂ©employables pour un impact Ă©cologique rĂ©duit. Cette dĂ©marche vise Ă proposer une alternative respectueuse de lâenvironnement et fidĂšle aux saveurs du raisin.
Une innovation qui divise đ
L'âarrivĂ©e du Levin sur le marchĂ© a provoquĂ© une levĂ©e de boucliers parmi les professionnels du vin.
Pour certains Ćnologues et vignerons, lâutilisation du terme âLevinâ est jugĂ©e trompeuse et prĂ©judiciable.
"Le principe mĂȘme de la fermentation est de transformer le sucre en alcool, alors comment peut-on parler de vin sans alcool ?" sâindigne Matthieu Lequeux, Ćnologue
De son cÎté, le vigneron Bertrand Gourdou estime que ce produit brouille les lignes et pourrait induire les consommateurs en erreur.
Face à ces critiques, Fabien Gross se défend fermement.
Il rappelle que lâĂ©tiquetage informe clairement les consommateurs en prĂ©cisant quâil sâagit de raisins bio fermentĂ©s sans alcool. Pour lui, Levin nâa pas vocation Ă usurper lâidentitĂ© du vin, mais Ă offrir une alternative crĂ©dible aux vins dĂ©salcoolisĂ©s ou aux jus de raisins classiques, souvent critiquĂ©s pour leur qualitĂ© et leur faible complexitĂ© aromatique.
Loin dâĂȘtre une tromperie, Levin se veut une innovation disruptive qui repense les codes de la fermentation.
Un modĂšle plus vertueux pour lâenvironnement
Au-delà des débats sur sa légitimité, le Levin se distingue par une ambition écologique affirmée.
Contrairement aux vins dĂ©salcoolisĂ©s, souvent produits Ă lâaide de procĂ©dĂ©s industriels gourmands en Ă©nergie (comme la distillation sous vide ou lâosmose inverse), Levin mise sur une mĂ©thode naturelle de fermentation qui nâimplique ni extraction ni modification chimique. Fabien Gross insiste sur le fait que son procĂ©dĂ© rĂ©duit considĂ©rablement lâempreinte carbone, notamment grĂące Ă lâabsence de sulfites, dâintrants et Ă lâutilisation de bouteilles rĂ©employables.
Selon ses calculs, le bilan carbone du Levin est 70% infĂ©rieur Ă celui dâun vin dĂ©salcoolisĂ© traditionnel. En rĂ©coltant des raisins en lĂ©gĂšre sous-maturitĂ© et en Ă©vitant les traitements post-fermentation, il offre une solution respectueuse de lâenvironnement qui sâaligne avec les attentes d'une partie des consommateurs en matiĂšre de durabilitĂ©.
Cette dĂ©marche sâinscrit Ă©galement dans une rĂ©flexion plus large : proposer aux viticulteurs une voie alternative pour diversifier leur production.
Polémique réglementaire et défi marketing
Le choix du nom "Levin" est au cĆur de la polĂ©mique.
Les dĂ©tracteurs dĂ©noncent un jeu de mots jugĂ© ambigu, qui pourrait prĂȘter Ă confusion auprĂšs des consommateurs.
Selon eux, associer ce produit au vin, mĂȘme indirectement, pourrait violer certaines rĂ©glementations et tromper le public.
Fabien Gross, tout en reconnaissant marcher sur un terrain glissant, dĂ©fend son choix en soulignant que dâautres marques de boissons sans alcool utilisent Ă©galement des jeux de mots similaires, comme "Chavin" ou "Divin".
Ce flou rĂ©glementaire met en lumiĂšre un vide juridique : oĂč se situe Levin dans la classification des boissons ? Ni vin traditionnel, ni jus de raisin classique, il reste difficile Ă catĂ©goriser. Cette ambiguĂŻtĂ© complique sa commercialisation et le place sous le feu des critiques, mais elle pourrait aussi constituer un atout marketing en attirant lâattention sur une innovation unique.
Fabien Gross, quant Ă lui, rejette les accusations de tromperie et revendique une transparence totale : la mention âraisins bio fermentĂ©s sans alcoolâ figure en toutes lettres sur lâĂ©tiquette. Cependant, le dĂ©fi reste de taille pour convaincre un marchĂ© encore attachĂ© aux codes traditionnels du vin.
Une réinvention du vin ou une nouvelle catégorie ?
Le Levin soulĂšve une question fondamentale : peut-on parler de vin sans alcool ou sâagit-il dâune boisson entiĂšrement nouvelle ? Si ses arĂŽmes complexes et son procĂ©dĂ© de fermentation lui confĂšrent des similaritĂ©s avec le vin, son absence dâalcool et sa dĂ©marche Ă©cologique innovante lâĂ©loignent des codes traditionnels. Certains y voient une rĂ©invention audacieuse, quand dâautres plaident pour le classer parmi les boissons fermentĂ©es naturelles, au mĂȘme titre que le kombucha.
Levin sâinscrit dans une tendance plus large de diversification dans le secteur viticole. En offrant une alternative aux vins dĂ©salcoolisĂ©s, souvent critiquĂ©s pour leur manque de caractĂšre, Fabien Gross ouvre la voie Ă une nouvelle catĂ©gorie de boissons qui interpelle aussi bien les amateurs de vin que les adeptes du bio.
Cette dĂ©marche soulĂšve sans aucun doute des dĂ©fis : Levin doit trouver sa place sur le marchĂ© sans cannibaliser celui des vins traditionnels ni se perdre dans lâunivers des jus de fruits. Lâexemple du kombucha Sobaie, Ă©galement produit par Fabien Gross, montre quâil est possible de bĂątir une niche autour de boissons fermentĂ©es innovantes. Reste Ă voir si Levin saura convaincre Ă plus grande Ă©chelle.
Levin incarne une innovation audacieuse qui bouscule les conventions du monde viticole. Ă mi-chemin entre tradition et rupture, cette boisson fermentĂ©e sans alcool offre une alternative Ă©cologique et naturelle aux vins dĂ©salcoolisĂ©s, tout en soulevant des interrogations sur son positionnement et sa lĂ©gitimitĂ©. Si certains professionnels dĂ©noncent une confusion volontaire et un manque de conformitĂ© aux rĂ©glementations, dâautres saluent une dĂ©marche respectueuse de lâenvironnement et en phase avec les attentes des consommateurs modernes.
Cette polĂ©mique reflĂšte un enjeu plus large : comment concilier lâinnovation avec le respect des codes historiques dâun secteur aussi emblĂ©matique que le vin ? Levin semble ouvrir une brĂšche dans le paysage viticole, Ă la fois prometteuse et controversĂ©e. La vraie rĂ©ponse, comme toujours, viendra des consommateurs eux-mĂȘmes : seront-ils prĂȘts Ă adopter cette boisson hybride, ou prĂ©fĂšreront-ils rester fidĂšles aux vins traditionnels ? Une chose est sĂ»re, Levin ne laisse personne indiffĂ©rent et marque un tournant dans la rĂ©flexion sur lâavenir du sans alcool.