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Drunkorexie : le phénomène qui touche 4 étudiants sur 10 en France

13/09/2025
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AnthonyAnthony

Soirées étudiantes, verres à volonté, pression sociale et culte de la minceur : c’est au croisement de ces habitudes qu’émerge la drunkorexie. Ce terme, popularisé dans les années 2000, désigne un ensemble de comportements où l’on sauterait des repas, ferait du sport excessif ou se priverait volontairement de nourriture afin de “compenser” les calories de l’alcool.

En France, les données sont alarmantes : une vaste étude de l’Université de Caen publiée en 2024 révèle que 41,6 % des étudiants consommateurs d’alcool pratiquent la drunkorexie. Un chiffre qui place ce phénomène au cœur des préoccupations de santé publique, au même titre que le binge drinking ou les troubles du comportement alimentaire.

Mais qu’est-ce qui pousse les jeunes à sacrifier leur repas pour boire plus vite ou se conformer à une image idéalisée sur Instagram ? Quels sont les risques réels de cette pratique, et surtout, comment prévenir son installation ?

Drunkorexie : le phénomène qui touche 4 étudiants sur 10 en France

Qu’est-ce que la Drunkorexie ?

Définition simple et claire

La drunkorexie, parfois appelée alcoolorexie, désigne un ensemble de comportements où l’individu restreint volontairement son alimentation pour compenser ou anticiper une consommation d’alcool. Cela peut prendre plusieurs formes : jeûner avant une soirée, éviter les repas, faire du sport de manière excessive ou encore utiliser des méthodes de purge après avoir bu.
L’objectif principal est soit d’éviter la prise de poids liée aux calories de l’alcool, soit d’amplifier les effets de l’ivresse.

Le terme scientifique : Food and Alcohol Disturbance (FAD)

Dans la littérature scientifique, on préfère aujourd’hui parler de Food and Alcohol Disturbance (FAD). Ce concept est plus précis, car il reflète l’intersection entre troubles du comportement alimentaire (TCA) et consommation problématique d’alcool.

La drunkorexie n’est donc pas un diagnostic officiel, mais une catégorie comportementale émergente qui inquiète les chercheurs et les professionnels de santé.

Drunkorexie vs troubles alimentaires classiques

  • Anorexie mentale : restriction globale et persistante, souvent accompagnĂ©e d’une peur intense de prendre du poids.
  • Boulimie : alternance de crises compulsives et de comportements compensatoires (vomissements, laxatifs, etc.).
  • Drunkorexie : comportements contextuels, liĂ©s aux moments de consommation d’alcool (soirĂ©es, fĂŞtes, campus).

Plusieurs travaux (Laghi et al., 2021, Pompili et al., 2020) confirment cette distinction : la drunkorexie apparaît comme un trouble hybride, à la croisée des TCA et des conduites addictives.

Pourquoi la Drunkorexie explose chez les jeunes ?

La pression sociale des soirées étudiantes

La vie étudiante reste un terrain propice à l’expérimentation et aux excès. Les soirées de campus, les rites d’intégration et le binge drinking contribuent à normaliser des conduites à risque.
Une étude menée en France montre que plus de 40 % des étudiants consommateurs d’alcool pratiquent la drunkorexie.
Ce comportement est souvent justifié par le besoin de “tenir” dans un groupe où l’alcool est perçu comme un ciment social.

L’influence des réseaux sociaux

Les plateformes comme Instagram et TikTok ont naturellement amplifié la tendance. Les jeunes y sont exposés à des contenus qui valorisent la minceur et les pratiques festives, renforçant un double impératif : avoir un corps “idéal” tout en participant aux codes de la fête.
Une étude française souligne que l’utilisation intensive des réseaux sociaux augmente par 2,2 à 2,6 le risque de développer des troubles alimentaires. Cette exposition constante entretient la banalisation de pratiques comme la drunkorexie.

Une double injonction : rester mince mais festoyer

La drunkorexie illustre un paradoxe typique de la jeunesse contemporaine : vouloir profiter des soirées et de l’alcool, tout en maintenant une silhouette conforme aux normes esthétiques diffusées par les médias.
Une étude italienne montre que les femmes tendent à privilégier la restriction alimentaire pour contrôler leur poids, tandis que les hommes recourent davantage à l’exercice physique excessif pour compenser l’alcool.
Cette double pression sociale et esthétique explique en partie la hausse de la prévalence du phénomène en Europe.

Les chiffres qui inquiètent : 4 étudiants sur 10 concernés

L’étude française de référence (Université de Caen, 2024)

En France, la recherche la plus solide a été menée par l’Université de Caen sur 3 600 étudiants. Et le chiffre est sans appel : 41,6% des consommateurs d’alcool pratiquent la drunkorexie. Cette étude est devenue une référence nationale, car elle repose sur un échantillon représentatif et une échelle validée en français (CEBRACS).

Comparaison internationale : la France, les USA et l’Europe

Les chiffres ne sont pas propres à la France. Une étude comparative entre étudiants français et américains a montré une prévalence similaire : 56,7% en France contre 55,8% aux États-Unis.
En Italie, une enquête pré-pandémique indiquait environ 32% des jeunes adultes concernés, et 13% chez les adolescents.
Ces résultats montrent que la drunkorexie est un phénomène transnational, qui dépasse les frontières culturelles.

Hommes vs femmes : des motivations différentes

La répartition par genre révèle des nuances.

  • Femmes : plus enclines Ă  la restriction alimentaire et motivĂ©es par le contrĂ´le du poids.
  • Hommes : plus nombreux Ă  recourir au sport intensif pour “brĂ»ler” les calories de l’alcool.

Ces différences sont confirmées par plusieurs études italiennes et américaines (Pompili et al., 2020, Laghi et al., 2021).

Comment reconnaître la Drunkorexie ?

Les signaux comportementaux

Les comportements caractéristiques incluent :

  • JeĂ»ner avant de boire : ne pas manger pendant 8 Ă  12 heures avant une soirĂ©e pour “garder des calories” pour l’alcool.
  • Exercice compensatoire : sĂ©ances de sport intensives le jour d’une sortie pour compenser les excès attendus.
  • Évitement des repas sociaux : refuser systĂ©matiquement les repas entre amis ou en famille lorsqu’ils prĂ©cèdent une fĂŞte.

Les signes psychologiques et sociaux

La drunkorexie ne se limite pas aux comportements alimentaires mais se caractérisent par :

  • une anxiĂ©tĂ© et culpabilitĂ© autour de la nourriture et de l’alcool,
  • une prĂ©occupation excessive de l’image corporelle par peur de grossir Ă  cause des “calories liquides”,
  • un isolement qui amène certains jeunes Ă  s’éloigner des repas collectifs pour mieux dissimuler leurs stratĂ©gies.

Les recherches montrent un lien fort entre drunkorexie, anxiété et dépression.

Le déni et la banalisation

Un des aspects les plus préoccupants est la tendance à banaliser ce comportement.
Beaucoup d’étudiants considèrent la drunkorexie comme une “astuce” de régime ou de soirée.
Les réseaux sociaux participent à cette normalisation, en montrant la pratique comme un choix “fun” ou “tendance”.

Ce déni complique le dépistage précoce, car les jeunes ne perçoivent pas toujours la dangerosité de leurs actes.

Les risques pour la santé quand l’alcool remplace le repas

Les dangers immédiats

Boire de l’alcool le ventre vide entraîne une absorption bien plus rapide. Les chercheurs ont montré que le pic d’alcoolémie pouvait être doublé par rapport à une consommation après repas. Cette montée brutale de l’alcool favorise les pertes de conscience, les accidents et les comportements à risque.
Elle s’accompagne aussi d’un danger invisible : l’hypoglycémie aiguë, provoquée par l’inhibition de la production de glucose par le foie. Dans les cas extrêmes, cela peut mener à des convulsions ou à un coma.

Les conséquences à long terme

Lorsqu’elle devient récurrente, la drunkorexie installe ses effets dans la durée.
Les privations alimentaires répétées associées à l’alcool altèrent la nutrition et fragilisent progressivement l’organisme.
On observe alors des carences multiples (vitamines, minéraux, protéines), mais aussi des atteintes hépatiques ou cardiovasculaires.
À long terme, les spécialistes décrivent également un risque accru de dépendance : les étudiants qui pratiquent la drunkorexie obtiennent des scores AUDIT plus élevés, traduisant une vulnérabilité aux troubles de l’usage d’alcool.

  • Carences nutritionnelles (vitamines, minĂ©raux, protĂ©ines)
  • Affaiblissement du système immunitaire
  • Atteintes hĂ©patiques et cardiovasculaires
  • OstĂ©oporose et troubles cognitifs
  • Risque accru de dĂ©pendance Ă  l’alcool

Le cercle vicieux psychologique

Au-delà des effets physiques, la drunkorexie s’ancre dans une dynamique psychologique. Les jeunes concernés présentent plus souvent de l’anxiété, de la dépression et une insatisfaction corporelle persistante.
Boire pour oublier, se restreindre pour “garder le contrôle”, puis culpabiliser et recommencer : ce cycle entretient une spirale difficile à briser.

Que disent les experts et la loi ?

La parole des médecins et chercheurs

Pour les professionnels de santé, la drunkorexie n’est pas un diagnostic officiel, mais elle représente un comportement à haut risque.
Ludivine Ritz, chercheuse à l’Université de Caen, insiste sur le fait que les étudiants concernés présentent souvent un profil distinct, où se mêlent fragilité émotionnelle, consommation problématique d’alcool et comportements alimentaires désordonnés.
Les spécialistes recommandent une approche multidisciplinaire, associant suivi psychologique, nutritionnel et addictologique.

Un cadre légal renforcé

En parallèle, la dimension sociétale et médiatique du phénomène a poussé les institutions françaises à agir.
Depuis 2023, plusieurs décisions de justice ont condamné Meta pour non-respect de la loi Évin, qui encadre strictement la publicité sur l’alcool. En avril 2025, l’ARPP a également mis à jour son Certificat Influence Responsable, interdisant tout contenu “lifestyle” lié à l’alcool sur TikTok et Instagram.
Ces mesures visent à limiter l’exposition des jeunes à des messages banalisant la consommation.

Comment prévenir et agir ?

La prévention dès le campus

Les universités et grandes écoles jouent un rôle central.
Certaines mettent déjà en place des campagnes de sensibilisation autour de la consommation d’alcool, mais rares sont celles qui évoquent explicitement la drunkorexie. Pourtant, les études montrent que la période de transition lycée-université est un moment critique, où la prévalence du phénomène explose.
Former les associations étudiantes et les services de santé universitaires à repérer ces comportements est une première étape essentielle.

Le rôle central des médecins généralistes

En ville, le médecin traitant reste un acteur de première ligne. Des outils comme l’AUDIT pour l’alcool ou le SCOFF pour les troubles alimentaires permettent un repérage précoce.
Pourtant, une enquête de la DREES a révélé que **67 % des généralistes ne connaissaient pas le dispositif de Repérage Précoce Intervention Brève (RPIB). ** Le renforcement de la formation constitue donc une priorité.

Des alternatives festives et positives

La prévention ne peut pas se limiter à des messages d’alerte.
Proposer des alternatives concrètes et attrayantes – comme les boissons sans alcool ou des menus équilibrés pour accompagner les soirées – est aussi une façon de réduire les risques. De nombreuses marques et associations développent aujourd’hui des campagnes valorisant un plaisir festif sans excès.

Où trouver de l’aide ?

Des dispositifs spécialisés pour les jeunes

En France, le réseau des Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) accueille chaque année plusieurs dizaines de milliers de jeunes de 12 à 25 ans.
L’accompagnement y est gratuit, confidentiel et peut se faire sans ordonnance. Les CJC travaillent souvent en lien avec les CSAPA (Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie), qui proposent une prise en charge médico-psycho-sociale complète.

Un relais de première ligne : le médecin traitant

Même si le sujet peut sembler tabou, parler à son médecin généraliste reste souvent la première étape. Il peut évaluer la situation, prescrire un bilan (biologique, nutritionnel, psychologique) et orienter vers un suivi spécialisé si nécessaire. Les recommandations de la HAS insistent sur l’importance de ce repérage précoce.

Des lignes d’écoute accessibles 7j/7

Pour un premier échange anonyme et immédiat, des plateformes téléphoniques existent. Alcool Info Service répond tous les jours de 8h à 2h du matin au 0 980 980 930 (appel non surtaxé).
Des associations comme SOS Amitié peuvent aussi apporter un soutien psychologique en cas de mal-être associé.

La drunkorexie n’est pas un simple “effet de mode”, mais bien un phénomène préoccupant de santé publique.
Ce trouble illustre un paradoxe typique de la jeunesse contemporaine : vouloir profiter des codes festifs, tout en se conformant à des normes esthétiques diffusées par les réseaux sociaux. Mais il rappelle surtout l’importance de parler ouvertement d’alcool et d’alimentation avec les jeunes, sans jugement ni stigmatisation.

La bonne nouvelle est qu’il existe des ressources concrètes : consultations spécialisées, médecins formés, lignes d’écoute disponibles 7j/7, mais aussi une offre croissante d’alternatives festives sans alcool. Sensibiliser, accompagner et proposer des solutions positives est sans doute la meilleure réponse pour inverser la tendance.

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